Comment se nourrir lors d’un déploiement en pays chaud ?
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Depuis 2013, les forces françaises sont présentes dans le Sahel à travers l’opération Serval puis l’opération Barkhane. Les contraintes particulières liées à la chaleur impactent directement le soldat dans son quotidien. Par conséquent, la division médicale des forces (DMF) ainsi que l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) se penchent sur la question de l’alimentation du combattant afin de limiter la dégradation de ses performances physiques, provoquée par les conditions extrêmes rencontrées sur ces théâtres d’opérations.
Comment se nourrir lors d’un déploiement en pays chaud ?
L’impact de la chaleur sur la nutrition
Au sens médical du terme, la nutrition comprend les aliments liquides et les aliments solides. Dans les pays chauds, l’enjeu se porte essentiellement sur l’hydratation. Néanmoins, l’alimentation solide n’est pas à négliger.
Quels sont les effets ?
Le manque d’appétit : durant les premiers jours, l’appétit diminue fortement. Il faut donc se forcer à manger pour éviter une chute des performances aérobies. La chaleur augmente la difficulté des muscles à utiliser les lipides. Cela entraîne une dépendance aux apports glucidiques dont il faut accroître la quantité à absorber. Au bout de quelques jours, le corps s’acclimate diminuant ainsi l’impact de la chaleur sur l’appétit. La déshydratation contribue au manque d’appétit.
Diminution de la prise alimentaire lors d’un exercice à la chaleur
Nous conduisons des recherches pour savoir si la faim est moins intense en ambiance chaude ou si nos envies de consommer certains aliments est modifiée par l’environnement chaud (Charlot et al. Nutriments, 2017).
La déshydratation : la déshydratation reste cependant l’enjeu le plus important. La perte d’eau et de sel (pertes sodées de 1 à 3g de sel/L de sueur) dues à la sudation sont déterminées par la température extérieure, le niveau d’activité physique et le degré d’acclimatation du corps à la chaleur. Il faut donc reconnaître les manifestations de la déshydratation.
Quels sont les symptômes identifiables ?
Notre corps est composé à 70% d’eau et au fur et à mesure qu’il se déshydrate, une perte de poids se produit et des symptômes apparaissent. Le suivi de la perte de poids reste donc le meilleur marqueur de suivi.
- Perte de 2% du poids : apparition d’une sensation de soif ;
- Perte de 4% du poids : altération des performances aérobies (c’est-à-dire la possibilité de soutenir l’intensité d’un exercice sur une longue période) caractérisée par une baisse de la capacité à faire des efforts de longue durée, diminution de la sudation ;
- Au-delà de 5% du poids : apparition de symptômes tels que les maux de tête, d’une fatigue intellectuelle, de difficultés de concentration, des troubles de l’attention et de la mémoire à court terme, des perturbations de la prise de décision, une perte de dextérité, une irritabilité, parfois des troubles digestifs. Les yeux se creusent, les muqueuses sont sèches… ;
- Au-delà de 10%, il s’agit d’une déshydratation sévère avec une intolérance à la station debout prolongée puis une agitation psychomotrice, des hallucinations, une confusion intellectuelle jusqu’au coma.
Il faut être conscient que même en l’absence de symptômes, il existe très précocement une diminution des performances physiques et une augmentation du risque d’accident grave lors de l’exercice.
Les urines sont aussi un bon indicateur de l’état d’hydratation du corps. S’il est illusoire d’attendre des urines claires, des urines foncées et peu abondantes sont un signe d’une hydratation insuffisante. L’absence d’urine est un signe de gravité traduisant une souffrance du rein qui doit amener une consultation médicale sans délai.
Quelle stratégie de nutrition ?
Afin de prévenir les cas de déshydratation, il existe quelques règles simples à connaître afin d’éviter les pièges de la chaleur.
- Etre à l’écoute de sa soif plutôt que de boire une quantité d’eau précise. Le volume d’eau à boire varie très fortement selon les situations. Il peut aller jusqu’à 8L par jour lors d’activités physiques intenses et prolongées. Mais, la consommation excessive d’eau (surhydratation) est également dangereuse. Par conséquent, il est préférable de boire dès les premières sensations de soif, afin de compenser les pertes par sudation mais de ne pas se forcer à boire en permanence. L’idée est donc de s’hydrater régulièrement pour éviter qu’une déshydratation trop importante ne s’installe.
- Il est préférable de boire régulièrement plutôt qu’une grande quantité en une seule prise. Si les quantités varient selon les personnes et les situations, il faut en moyenne absorber 150ml-250ml d’eau toutes les 20 minutes lors d’un exercice intense.
- En cas de déshydratation, il est conseillé de privilégier l’eau mais aussi des boissons comprenant un apport sodé afin de compenser les pertes de sel dans la sueur. C’est pourquoi les sachets de boissons de l’effort compris dans les rations comprennent un peu de « sucre » mais aussi du sel. Il est possible de faire soi-même ses propres boissons avec du sirop de fruit et des sachets de sel de table. Par exemple, couper un tiers de jus de raisin avec de l’eau et un ou deux sachets de sel convient parfaitement. Pour rompre la monotonie et l’écœurement, les potages déshydratés ou les bouillons cubes sont un très bon complément au repas du soir.
Attention aux faux bons amis
Voici quelques pièges auxquels il faut faire attention pour conserver ses performances et éviter les accidents :
- S’acclimater ne signifie pas perdre moins d’eau, au contraire ! Quand le corps « s’acclimate », il apprend à mieux réguler sa température centrale. Pour y parvenir, le corps sue en plus grande quantité. Ainsi, la personne tolère mieux la chaleur, mais elle perd aussi plus d’eau. Sa sueur est cependant moins salée car elle perd moins de sel. Les personnes acclimatées doivent donc faire particulièrement attention à leur hydratation.
- Il faut faire la différence entre les boissons énergisantes (Monster, Redbull…) et les boissons énergétiques (Powered, Isostar…). Les boissons énergisantes ne sont pas conçues pour les fortes chaleurs. Elles sont trop concentrées en glucides ce qui provoque un ralentissement de la digestion. Ainsi, si une boisson idéale contient normalement 50 à 60g de glucides pour 1 litre, les boissons énergisantes en contiennent près de 150g par litre. De plus elles ne contiennent pas de sel. Elles peuvent donc être consommées de façon modérée pour un usage récréatif mais elles ne sont pas à mettre dans une gourde en prévision d’un effort physique.