[Journée internationale du sommeil] Focus sur la gestion du sommeil en milieu militaire
Partager l'actualité

Direction : Santé / Publié le : 14 mars 2025
En 2025, plus d’un tiers de la population française déclare souffrir d’un trouble du sommeil. Un sujet de santé publique qui touche également les forces armées. À l’occasion de la Journée internationale du sommeil, le Dr Mounir Chennaoui, ancien chef de la division « Santé du militaire en opération » et directeur scientifique à l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), explique l’importance du sommeil et ses implications en milieu militaire.
Rédaction : Emmanuelle Ndoudi.

La gestion du sommeil est un enjeu majeur pour la santé publique et la performance des forces armées. À l’occasion de la 25e Journée internationale du sommeil, le vendredi 14 mars 2025, le Dr Mounir Chennaoui, directeur scientifique de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), met en lumière l’impact du manque de sommeil sur les militaires.
L’ancien chef de la division Santé du militaire en opération au sein de l’Institut de recherche biomédicale (IRBA) a étudié le sujet pendant plus de 30 ans. « La question de la fatigue opérationnelle concerne toutes les armées, observe-t-il, c’est un sujet transversal et impactant. »
À partir de 1996, l’ancien officier commissionné a dédié sa carrière à l’étude de la fatigue dans les armées et au développement de stratégies concrètes de récupération, sans passer par des stratégies pharmacologiques. « Jusqu’à présent, la gestion du sommeil en milieu militaire n’était pas considérée comme essentielle pour l’individu, confie-t-il. La contribution de notre recherche et de nos formations sur cette gestion du sommeil est progressivement devenue une clé de l’efficacité du soldat ».
Évolution du sommeil selon l’âge, rythme circadien, impact du manque du sommeil sur la santé et sur la performance… Le thème sur le sommeil peut être évoqué sous plusieurs aspects. Le Dr Mounir Chennaoui a choisi de concentrer ses domaines de recherche sur des sujets plus pointus.
« Jusqu’à présent, la gestion du sommeil en milieu militaire était secondaire. La contribution de notre recherche et de nos formations sur cette gestion du sommeil est progressivement devenue une clé de l’efficacité du soldat. »

La fatigue centrale et le cycle veille-sommeil
Parmi les domaines d’expertise du Dr Mounir Chennaoui, le sujet de la « fatigue centrale ». Le spécialiste a consacré les 10 premières années de sa carrière sur cette thématique. « J’ai d’abord réalisé une thèse sur la fatigue centrale liée à l’exercice physique intense et prolongé », détaille-t-il. Objectif : comprendre et expliquer les modifications neurochimiques liées à cet état.
Si les origines de cet état sont multiples, la contrainte majeure de la fatigue reste le manque de sommeil. « Grâce aux remontées de terrain, je me suis aperçu que le manque de sommeil est l’une des contraintes les plus pénalisantes dans cet état de fatigue », explique-t-il. De l’ensemble de ses travaux et des recherches réalisées, le chercheur a publié un guide pratique au profit des soignants du Service de santé des armées et des forces armées : « Gestion du cycle veille/sommeil en milieu militaire » puis le « Petit livre du sommeil ».
Ses recherches dans ce domaine le poussent encore plus loin. « À la fin de ma carrière, je me suis intéressé de plus en plus à cette gestion du cycle veille-sommeil, évoque-t-il, en proposant des stratégies telles que la provision de sommeil, les siestes optimisées, une meilleure gestion de la consommation de café, et l’intérêt du monitorage neurophysiologique ».
« Grâce aux remontées de terrain, je me suis aperçu que le manque de sommeil est l’une des contraintes les plus pénalisantes dans cet état de fatigue. »

L’avenir de la recherche sur le sommeil
Les réflexions sur le combat de haute intensité conduisent, désormais, les chercheurs sur le sommeil à réorienter, par exemple, leurs travaux autour de l’optimisation de la récupération, entre chaque mission. « L’un des enjeux prioritaires est de procurer des stratégies de gestion du sommeil aux équipes médicales par exemple, afin qu’elles demeurent efficaces dans le soin et le traitement des blessés », ambitionne le spécialiste.
Autre sujet d’avenir : l’impact croissant de nouvelles technologies modernes sur la qualité du sommeil. En ligne de mire, la crainte que les opérateurs soient soumis à une surcharge cognitive croissante. Cette stimulation constante limite la récupération et entraîne une mauvaise qualité de sommeil, des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes fréquents ou encore un sommeil non réparateur.
Face à ce nouvel enjeu de santé publique, le Dr Mounir Chennaoui préconise aux militaires d’instaurer un « sas de déconnexion lumineuse, 45 minutes avant de s’endormir ». Le spécialiste mise également sur une solide « capacité de se régénérer », grâce aux micro-siestes ou à l’adoption d’une alimentation spécifique et équilibrée.
Mais la clé d’un sommeil réparateur réside surtout dans une meilleure connaissance de soi. « Ça passera notamment par un profil sommeil individuel par le biais de monitorage, afin que le militaire connaisse ses besoins physiologiques en terme de sommeil et adapte ses stratégies de récupération », commente l’ancien officier.
Après 31 ans de dévouement au service de la recherche sur le sommeil en milieu militaire, le Dr Mounir Chennaoui estime qu’il reste encore du chemin à parcourir. « Je suis satisfait de la diffusion de l’information sur la gestion du sommeil en milieu militaire, mais le combat n’est pas terminé », assure-t-il.